Afrique connectée: Le futur des paiements transfrontaliers
Voici l’enregistrement et la transcription du webinaire sur le futur des paiements transfrontaliers en Afrique:
00:09:04 - 00:10:43
Khadija Laraqui (KL) : Bonjour à toutes et à tous. Merci d'être présents et bienvenue à cette nouvelle web conférence de la série Apide Talks organisée en partenariat avec OpenWay. Pour les personnes qui nous rejoignent pour la première fois, Digital Africa Live est la plateforme de débats en ligne de du groupe i-conférence, organisateur de forums d'étudiants en Afrique francophone. Je suis ravie d'ouvrir ce débat virtuel et vous souhaite la bienvenue à cette session sous le thème « Afrique connectée : le futur des paiements transfrontaliers ». Apide Talks ouvre le débat sur ce sujet et invite les principaux représentants de l'écosystème du paiement en Afrique à échanger sur les initiatives et opportunités qui permettront de libérer tout le potentiel des paiements intra-africains. J'ai le plaisir d'accueillir avec nous aujourd'hui madame Hakima El Alami, monsieur Luc Edmond Adjaho, monsieur Jean-Philippe Wolyniec, monsieur Jean-Marie Benoît Mani, ainsi que notre modérateur, Jean-Noël Georges, et vous remercie d'avoir accepté notre invitation à prendre part à cette table ronde virtuelle afin de partager avec nous votre retour d'expérience. J'invite l'ensemble des participants à interagir avec nos panélistes en posant vos questions sur la rubrique Q&R ou la rubrique Converser qui se trouvent en bas de la plateforme Zoom. Jean-Noël, je te donne la parole pour animer ce débat qui s'annonce déjà très riche et je vous souhaite une excellente web-conférence.
00:10:44 - 00:13:51
Jean-Noël Georges (JNG) : Merci beaucoup Khadija, merci pour ton introduction. Bienvenue à tous pour ce nouveau Apide Talks concernant le paiement transfrontalier. Alors, profitant de la publication de son nouveau rapport 2021, la Commission Économique des Nations Unies pour l'Afrique, la CEA, a intensifié la promotion du commerce électronique considéré comme un maillon essentiel pour l'implémentation de la zone de libre-échange continentale africaine, la zlecaf, dont le lancement officiel, retardé par le contexte Covid-19, a été effectué en janvier 2021 pour les pays l'ayant ratifié. Avec un commerce intra-africain qui est passé à 16,1 % en 2018, sur un ensemble de volumes de 159 milliards de dollars, contre 15,5 % en 2017, la route est encore longue, mais le potentiel est énorme et prometteur. À la fin 2020, la Commission Économique pour l'Afrique a présenté une plateforme de commerce en ligne pour faciliter les échanges entre acheteurs et fournisseurs, connue sous le nom d'African Trade Exchange, ATEX. Selon les dernières informations de l'AACE, Alliance Africaine pour le Commerce Électronique, le projet devait être livré en janvier 2021, avant la crise sanitaire liée, à nouveau, au Covid-19. Ainsi, monsieur Stephen Karingi, directeur de la Division de l'intégration régionale et du commerce, à la CEA, a rappelé que la numérisation était essentielle pour maintenir la compétitivité commerciale africaine et permettre une participation effective au commerce électronique transfrontalier. Le paiement restant la colonne vertébrale de cette initiative, il est nécessaire d'harmoniser les systèmes de paiement en les rendant interopérables et optimisés en termes de coût. Enfin, pour terminer, l'Union Africaine, dans son agenda 2063, a positionné dans sa proposition numéro 25 le commerce et son développement comme particulièrement liés aux infrastructures IT et aux technologies à venir. Comme vous le voyez, c'est un sujet passionnant d'actualité et je vous invite à discuter avec nous en accueillant, et je vais vous les rappeler, nos participants de ce jour : madame Hakima El Alami, directeur de la Bank Al-Maghrib, au Maroc, monsieur Luc Edmond Adjaho, qui est directeur études et projets au GIM-UEMOA, au Sénégal, monsieur Jean-Marie Benoît Mani, qui est Board of Directors chez Afreximbank, au Cameroun, et enfin monsieur Jean-Philippe Wolyniec, qui est Regional Sales Manager chez OpenWay en France.
J'aimerais, afin de planter ce débat, s'il vous le voulez bien, monsieur Adjaho, vous poser la première question, en tant que membre du GIM-UEMORA, et je sais que vous avez été dans cette région un acteur privilégié pour l'harmonisation des systèmes de paiement, j'aimerais peut-être que vous nous rappeliez quelles avaient été vos actions, quel est l'état actuel dans votre région, sur laquelle vous travaillez, des systèmes de paiement, puis on élargira un petit peu le débat, si vous le voulez bien."
L’actualité des systèmes de paiement en Afrique
La zone UEMOA
00:13:55 - 00:17:23
Luc Edmon Adjaho (LEA), Directeur études et projets au GIM-UEMOA, au Sénégal : Merci beaucoup, Jean-Noël. Je pense que, brièvement, on peut dire que la zone UEMOA, c'est à peu près 148 banques et établissements financiers, et une douzaine encore de ce que nous appelons des établissements de monnaie électronique. C'est donc un taux de bancarisation moyen inférieur à 20 % qu'il faut donc rapprocher du taux global d'utilisation des services financiers qui est lui autour de 55 % actuellement. En fait, en termes d'interopérabilité, il y a eu au niveau de la zone Initiative UEMOA de création d’un projet régional d’interbancarité et depuis 2003 à travers la mise en place d'une plateforme régionale d’interbancarité monétique qui a commencé son exploitation depuis 2007 et à ce jour le label du GIM-UEMOA, on peut dire que la quasi-totalité des banques de la région ont adhéré à ce projet quand bien même on peut compter environ 130 banques interconnectées à travers la plateforme régionale aujourd'hui, donc avec quelques nouveaux acteurs, des établissements de monnaie électronique en phase coopérationnelle autour de cette plateforme. Depuis 2 ou 3 ans, depuis 3 ans environ, on a un nouveau projet, il y a eu besoin d'un élargissement de ce projet, donc de sortir de l'interbancalité monétique pure en intégrant plus globalement l'ensemble des nouveaux acteurs aujourd'hui qui portent la dynamique de développement des transactions, et donc c'est le projet d’intéropérabilité des services financiers numériques commandés par la Banque centrale, avec l'appui de la Banque africaine de développement et de la fondation Bill et Melinda Gates, donc qui vise l'élargissement de l'écosystème de paiement exactement bancaire avec la mise en œuvre d'une nouvelle infrastructure étendue à tous les acteurs, dans tous les types de comptes et tous les canaux et moyens de paiement électronique. Et donc, dans ce cadre-là, il y a un nouveau projet d'instruction qui est en cours pour harmoniser et mettre à jour le cadre règlementaire de l’intéropérabilité qui est en cours et qui vise les différents positionnements des acteurs et des modalités de participation à ce nouvel écosystème. Au niveau du GIM aujourd'hui, plus globalement, donc, sans rentrer dans le détail des projets, on peut dire que les expertises en cours visent à répondre à un certain nombre de problématiques et d'enjeux qui est donc d'assurer une convergence à la carte et un certain nombre de moyens de paiements à travers un schéma de paiement régional, établir des ponts entre des acteurs non-bancaires et bancaires et véritablement repositionner l'institution au cœur de l'écosystème régional à travers la construction d'infrastructures régionales du paiement qui permettent de soutenir l'évolution, les nouveaux moyens, les nouveaux usages, plus globalement, des paiements. Donc c'est véritablement un ensemble d'initiatives qui visent à redonner au GIM un rôle de catalyseur, de facilitateur des paiements au sein de l'écosystème régional. Donc voilà globalement, sans rentrer dans les détails, où est-ce que nous en sommes au niveau de la zone UEMOA.
00:17:24 - 00:17:40
JNG : Alors merci bien monsieur Adjaho, c'est important de bien comprendre ce qui se passait sur l'ouest africain. Alors peut-être, monsieur Mani, bonjour.
00:17:42 - 00:17:43
Jean-Marie Benoît Mani (JMBM), Board of Directors chez Afreximbank, au Cameroun : Oui, bonjour Jean-Noël.
00:17:44 - 00:18:14
JNG : Bonjour monsieur Mani. Alors on peut un petit peu élargir la question. On a bien compris que le GIM, depuis près d'une vingtaine d'années en fait avait lancé un projet de switch régional et ça a mis du temps à se mettre en place que sur la zone ouest africaine. Vous, en tant qu'acteur bancaire au Cameroun, est-ce que vous pouvez me rappeler quelles sont les actions que vous avez menées et quelles vos attentes en termes d'institutions bancaires.
La zone d'Afrique centrale
00:18:15 - 00:22:51
JNBM : Bon, je ne parlerai pas spécifiquement pour le Cameroun, mais pour la zone d'Afrique centrale. J'ai été en fonction à la Banque centrale du Cameroun. Je n'y suis plus, et je sais que comme dans la zone UEMOA, les systèmes de paiements, les infrastructures sont maintenant bien en place et tout comme ça a été dit, on continue à travailler pour pouvoir intégrer tous les nouveaux modes de paiement qui se présentent, notamment la monnaie électronique. Des règlements ont été institués et je pense qu’un travail est en train d'être fait. Mais au niveau, je parlerais d'une manière générale sur le plan panafrica, et parce que je suis au conseil d'administration de l'Afreximbank, et je pense que suivant le terme de cette conférence, l'objectif ici est d'aboutir à une Afrique connectée, et notamment avec des paiements transfrontaliers qui posent problème en Afrique, notamment, parce qu'il est très difficile de payer d'un pays à un autre en Afrique. Comme la question qui a été posée, à savoir si on peut arriver à avoir un système de paiement transfrontalier en Afrique, je pense que la réalité est en train de se mettre en place parce que, au niveau de l'Afreximbank, et je le dis ici, peut-être que je ne trahis pas un secret puisque ceux qui s'informent sur le sujet doivent certainement le savoir, un grand travail est en train de se faire pour qu'on ait un système de paiement panafrica et je pense qu'il va s'appeler le PAPSS, à savoir PAnafrican Payment Settlement System. Le projet est bien avancé parce qu'il est actuellement à une phase puis une autre entre six pays pour voir comment les paiements peuvent fonctionner, et l'objectif est d'étendre progressivement à tous les pays africains. C'est une donc une initiative très importante et je pense qu’elle va vraiment, si elle aboutit, et je pense qu'elle aboutira, à révolutionner les paiements en Afrique. Et surtout, au moment où vient d'être lancée la zone de libre-échange africaine, je pense qu'il faut absolument un outil de paiement qui doit pouvoir accompagner tous les commerces qu'on voudrait voir s'établir entre nos pays, parce que si les hommes circulent, les biens circulent, mais que les capitaux, les paiements, l'argent ne circulent pas, on ne pourra pas avoir une zone de libre-échange vraiment fonctionnelle. Alors ce travail-là est en cours, et pour moi ça va être une véritable révolution. Et c'est d'autant plus nécessaire que si vous regardez actuellement, la plupart des paiements transfrontaliers en Afrique se font de manière informelle. On transporte des devises d'un pays à l'autre, et souvent le dollar, l'euro, pour pouvoir faire des paiements transfrontaliers. Donc l'objectif, et ça on peut s'imaginer tout ce que ça comporte comme risque, notamment pour ceux qui transportent de l'argent, et même encore pour les systèmes économiques, les systèmes de paiement d'une manière générale, parce qu'il n'y a pas de traçabilité, il n'y a pas de contrôle pour tous ces capitaux qui circulent n'importe comment. Et on a vraiment besoin en Afrique d'avoir un système de paiement, ou des systèmes de paiement, qui soient fonctionnels et qui puissent permettre d'accompagner cette zone de libre-échange et de permettre des paiements transfrontaliers. Voilà ce que je peux dire à ce stade.
00:22:52 - 00:23:24
JNG : Monsieur Mani, merci pour cette précision. On a eu dans le chat, je rappelle que vous pouvez poser vos questions directement en live. On a déjà, pas une question, mais un commentaire de monsieur Paul Batsotsa. Bonjour, la réalité va rattraper l'Afrique. Actuellement les Banques centrales autorisent le In, pas le Out. Le Out n'est autorisé ici qu’entre les institutions financières contrôlées par les Banques centrales. Les questions de taux de change se posent, mais la réalité va imposer cette ouverture. Est-ce que vous avez un commentaire à faire, monsieur Mani.
00:23:26 - 00:24:34
JMBM : Je pense que. Bon, le participant a raison. Ça c'est des questions qui doivent être résolues dans le cadre de la mise en place de cet outil, notamment actuellement les transferts transfrontaliers en Afrique posent problème pourquoi ? Parce qu'il faut absolument passer par des devises étrangères. Par le dollar, par l'euro, par des correspondants étrangers. L'objectif est d'aboutir à un système où on puisse avoir les mêmes sommes réglées à l'intérieur du système sans avoir besoin de passer par des correspondants extérieurs. Je crois que cette question est une question centrale, mais qui doit notamment être résolue dans le cadre de la mise en place de ce système de paiements pan-africain.
00:24:35 - 00:25:16
JNG : Merci, merci monsieur Mani. Avant de donner la parole à monsieur Wolyniec, j'aimerais donner la parole à madame El Alami. On a la chance, et elle est assez rare d'avoir une femme dans les panélistes et je ne vous ai pas donné la parole au début, ce qui n'est pas très bienveillant, excusez-moi. Alors j'en profite pour vous donner la parole, Hakima, rebonjour. Alors peut-être que vous pouvez nous dresser aussi un petit panorama rapide de ce qui se passe au sein de votre banque, au sein du Maroc. Et puis, en fait, c'est vrai que je vois qu'il y a un question toute simple de Oumar Barqué : Finalement, puis-je savoir ce que vous entendez par paiement transfrontalier. Ou si vous pouviez juste rappeler à Oumar ce que veut dire paiement transfrontalier.
Le Maroc
00:25:17 - 00:33:39
Hakima El Alami (HEA) Directeur de la Bank Al-Maghrib au Maroc : Merci Jean-Nöel merci pour l'opportunité qui m'a été donnée pour participer à cette thématique très importante pour nous, pour le retour notamment du Maroc sur la scène africaine, et dans le cadre également de nos thématiques pour la réduction du coût des transactions, à la fois dans le cadre national que dans le cadre interrégional, on va dire. Pour répondre, déjà, le paiement transfrontalier peut couvrir deux choses. Il va couvrir les transferts transfrontaliers. C'est également ma compréhension, mais c'est un petit peu ce que couvrent notamment, même les devises internationales. Et ça couvre également le fait de pouvoir, pour un national, d'aller sur la scène, en dehors des frontières nationales, de pouvoir payer en toute sécurité avec les moyens de paiement dont il dispose au niveau des pays hôtes, mais ça peut être également au niveau, comme on en parlait tout à l'heure, du commerce ou du i-com. Au niveau Afrique. Voilà pour la petite introduction. Sur la thématique de ce qui a été fait au Maroc, d'abord au niveau de nos infrastructures. Parce qu’avant d'aller parler de système de paiement interconnecté, interrégional, il faudrait déjà que les systèmes de paiement nationaux soient modernes. C'est ce qui a été piloté par la Banque centrale, mais bien sûr en concertation avec l'ensemble des acteurs, qu'ils soient bancaires ou non-bancaires, à l'image des établissements de paiement, de mettre en place des systèmes de paiement qui puissent de permettre des règlements en toute sécurité à des délais de règlement très courts, et tout ça au profit du consommateur final. C'est ce que nous avons nommé depuis quelques années déjà, depuis 2003 avec la mise en place du GSIMT qui est venu remplacer les chambres de compensation physique, qui était associée automatiquement à des délais de règlement très élevés, notamment pour les valeurs déplacées. Nous avons mis en place un switch monétique pour assurer cette interopérabilité des cartes. Et le dernier, on va dire, système de paiement que nous avons mis, c'est le switch pour le paiement mobile. Parce que l'interopérabilité, pour nous, est quelque chose de fondamental, c'est une règle qui ne peut être, je donne un exemple : quand on donne un agrément à un établissement bancaire ou à un établissement de paiement, l'interopérabilité est une condition sine qua non pour l'obtention de cet agrément. Et donc, l'interopérabilité du paiement mobile était très importante pour nous, donc le fait de mettre en place un switch mobile qui permet cette interopérabilité, non pas seulement les acteurs des établissements de paiement, mais au niveau de l'ensemble de l'écosystème, parce qu'on considère que la fragmentation du marché peut mener à une augmentation des coûts, et ça va au détriment du consommateur, et bien sûr de la modernisation, et de l'amélioration plutôt des paiements structuraux pour la réduction du cash notamment. Ça c'est un point de vue national. Pour l'international, et bien sûr au niveau africain, ce qui a été important pour nous, parce qu'on voit que l'Afrique est un énorme marché intérieur, avec d'importantes opportunités économiques qui, malheureusement, jusqu'à maintenant, vous l'avez dit Jean-Noël, reste inexploité. Inexploité d'abord parce qu'il faut qu'il y ait les fondamentaux déjà d'un secteur informel au niveau de chaque pays qui doit diminuer. Ça implique qu'il faut améliorer l'accès, à la fois au système bancaire, parce que c'est la règle zéro de l'inclusion financière, c'est véritablement un accès au système ou au compte transactionnel de paiement. Il faut aussi que, on parle de paiement, que ce soit un paiement ou les transferts, que le coût de ces transactions soit diminué. Il y a eu un certain nombre de choses qui ont été faites, de nombreux systèmes de paiements régionaux, monsieur Luc Edmond en a parlé, monsieur Benoît également, mais ça reste des systèmes fragmentés, si je puis dire, c'est pour ça que, déjà, dans le cadre de l'Union africaine, je rappelle que, dans son agenda 2063, elle s'est engagée à augmenter le commerce intra-africain de 15 % en 2013 à 50 % d'ici 2045, grâce notamment à un certain nombre de mesures, mais une des mesures c'est le développement d'une infrastructure de paiement intégrée. Et dans cadre-là, l'ABCA, qui est l'Association des Banques Centrales Africaines, déjà en 2014, dans le cadre d'une réunion à Alger, avait émis le souhait de mettre en place à l'échelle continentale une infrastructure qui puisse travailler à l'intégration du système de paiement sur le continent. Les mesures, à l'époque, parce que, on va dire qu'un certain nombre de facteurs n'étaient pas réunis, le conseil des gouverneurs avait demandé un certain nombre d'études avant d'aller vers la mise en place de cette structure, et en 2018, avec l'ensemble des améliorations qui ont été faites, on a considéré qu'il était peut-être temps d'aller vers cette structure, d'où la mise en place en 2018 des termes de référence pour la création d'un groupe de projet à chargé de poursuivre un double objectif, à la fois de développer un cadre d'intégration interrégional du système de paiement et une stratégie d'intégration interrégionale de paiement par téléphonie mobile. On est présent dans les deux groupes qui s'occupent à la fois de l'intégration des systèmes de paiement et de la stratégie d'intégration des paiements par téléphone mobile. Les travaux sont en cours et l'idée est peut-être de sortir avec un livrable ou avec une mise en production effective. On va dire que c'est assez ambitieux, mais peut-être que d'ici 2023, on arriverait à un système interrégional. Voilà.
00:33:39 - 00:34:58
JNG : C'est très bien. Et puis, on a eu énormément de questions qui sont liées à ça, donc je vais pouvoir donner la parole à Jean-Philippe, maintenant. On allait déjà un petit peu dans le détail, mais je vois déjà un petit peu comment les questions sont en train de se structurer, alors, Jean-Philippe, moi j'aimerais, si vous le voulez bien, que vous nous rappeliez ce qui a été énoncé par Hakima, quels sont les fondamentaux nécessaires pour un paiement transfrontalier. Deux : vous m'avez dit que vous étiez allé à un grand salon européen pour parler de monnaie 2020, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se fait un peu à l'étranger et qu'est-ce qui pourrait être ou qui est déjà en place en Afrique. Voilà mes deux piliers. Et après, si on a un peu de temps avec vous, Jean-Philippe, avant que je rebascule sur les autres, c'est les types de paiements, parce que je vois que les questions sont en train de partir. Pour les fondamentaux, Jean-Philippe, on a parlé de la carte bancaire, on a parlé des mobile paiements, et j'ai beaucoup, beaucoup de questions sur les cryptomonnaies. On va peut-être les faire une par une, mais voilà, les besoins et les fondamentaux sont différents et le réglementaire est différent, alors si vous pouviez déjà peut-être nous faire un panorama, nous dire ce qui se fait et ce pourrait être transposé. Voilà.
Les fondamentaux des paiements transfrontaliers
00:35:04 - 00:42:19
Jean-Philippe Wolyniec (JPW), Regional Sales Manager chez OpenWay en France : Merci Jean-Noël et merci aux participants. Tout d'abord, Jean-Noël, je voulais, comme vous l'avez mentionné, c'est un sujet qui est extrêmement important pour le développement du commerce en Afrique et plus généralement pour la transformation numérique de l'Afrique dans son ensemble. Un des enjeux, comme l'a mentionné, je crois, madame El Alami, ce sera effectivement la modernisation des banques en local, sachant déjà qu'il y a des initiatives qui existent en Afrique pour essayer d'agréger un petit peu et finalement pour combattre la fragmentation des différentes plateformes de paiement, mais voilà, en tout cas ça passera certainement par une phase de modernisation. Si vous me le permettez, Jean-Noël, j'aimerais juste dire quelques mots sur OpenWay, parce que je ne suis pas sûr que tout le monde connaisse notre entreprise. Nous ne sommes pas aussi importants que nos panélistes. Donc, OpenWay, on développe et on déploie des plateformes monétiques et de traitement des paiements depuis plus de 25 ans. On travaille avec des banques, avec des schémas de paiement, des chambres de compensation, des processeurs et des fintechs, et on travaille avec tous ces acteurs, justement, pour développer toujours plus d'interopérabilité et des services innovants. On est présents chez 160 clients répartis dans 80, avec un siège social basé en Belgique, et avec une présence sur le continent, également, africain. Voilà. Pour revenir à votre question, Jean-Noël, par rapport aux fondamentaux, alors aujourd'hui on voit qu'il est possible de faire des paiements transfrontaliers tels qu'on les a définis précédemment, en Afrique, mais ceux-ci ne répondent pas toujours aux attentes en termes de coût des transactions, en termes de traçabilité, de sécurité, ou encore en termes de réglementations, ou tout simplement en termes de rapidité et de simplicité. Et ce constat, on va le retrouver dans d'autres parties du monde. Ce n'est pas un constant que l'on voit uniquement en Afrique, on le retrouve dans toutes les régions du monde. Et où on a également des initiatives qui sont en cours pour développer ces paiements et contribuer à une meilleure compétitivité commerciale et un meilleur commerce transfrontalier. Et, ce que je peux vous dire, c'est que dans les fondamentaux il va y avoir les aspects de modernisation ou de collaboration entre les différents acteurs de l'industrie. Donc ça, c'est extrêmement important. Et quand je dis "les différents acteurs de l'industrie", c'est évidemment les banques, les banques centrales, les plateformes de compensation, mais aussi les régulateurs et les pouvoirs politiques. Donc il y a un vrai effort à faire de ce côté-là pour pouvoir réellement mettre en marche un mouvement qui va permettre d'homogénéiser des paiements sur une région donnée. Je peux peut-être effectivement, j'étais à Money 2020 il y a quelques semaines, les sujets évoluent en fonction des années. On parle en effet de paiements transfrontaliers, on parle beaucoup en ce moment de... je ne vais pas vous citer tous les sujets, mais il y a un sujet qui effectivement est ressorti et qui est connexe finalement à ce qu'on est en train d'évoquer aujourd'hui, qui sont les monnaies numériques, donc adossées aux banques centrales. Je vais revenir dessus juste après. Peut-être que je peux vous donner déjà dans un premier temps un panorama de ce qui a pu se faire dans le monde ces dernières années, sachant qu'on a déjà quand même quelques initiatives qui datent de plus de 40 ans, d'autres qui datent de quelques années, et on sent qu'il y a quand même une évolution et il y a une accélération. Et tout d'abord, j'aimerais citer des acteurs historiques. On a des acteurs comme Swift, par exemple, qui est un acteur vraiment global et qui est basé sur un réseau de banques correspondantes. C'est monsieur Mani qui a mentionné ce terme. Là on est sur un réseau de banques qui sont connectées via une messagerie dédiée sous Swift et qui permet au réseau Swift, et bien, d'être vraiment global, c'est-à-dire international et permet de faire des transferts compte à compte en multidevises, quelle que soit la banque connectée. Alors le problème de Swift, c'est qu’on est sur des banques correspondantes, donc un message va pouvoir passer de banque en banque avant de pouvoir effectuer... enfin, un virement va pouvoir passer par plusieurs banques avant d'être complètement effectué, et du coup ça aura un impact en termes de délais, donc on peut avoir des délais assez longs, et surtout en termes de coûts, puisqu'on peut avoir des virements assez coûteux. On a d'autres modèles qui sont basés sur des approches un peu plus centralisées. On a un modèle ancien qui est géré par la Nacha aux États-Unis. La Nacha est un réseau de chambres de compensation régionales américaines. C'est un réseau qui est très connecté, qui est très performant et qui représente une alternative peu coûteuse aux autres moyens de règlements présents aux États-Unis. En revanche, c'est un système qui est un peu ancien et qui ne permet pas aujourd'hui de faire des paiements instantanés, qui est limité aux États-Unis et, évidemment, au dollar. Plus récemment, peut-être, on a l'exemple du projet SEPA qui, lui, a permis une harmonisation des paiements et une baisse des coûts et des délais des règlements dans toute la zone euro... dans la zone euro européenne... et on assiste à une harmonisation qui d'ailleurs aujourd'hui avec le lancement des transferts instantanés, donc c'est un projet qui évolue en fonction du temps, qui s'adapte aux contraintes et aux demandes du marché, donc là on est en train de travailler sur les formats SEPA Inst, qui vont permettre des transferts d'argent instantanés, d'un compte à un autre, en utilisant le format SEPA. Et puis, on a également des initiatives qui vont mener un petit peu plus loin, notamment avec l'arrivée d'un projet qui s'appelle EPI, pour European Payment Initiative, qui, lui, a vocation à devenir le futur système de paiement par carte européen, basé sur le protocole SEPA et censé concurrencer VISA/MASTERCARD. Donc on voit que, à partir d'un besoin d'interconnecter les banques entre elles, soit via les systèmes de banques correspondantes où il y a des systèmes plus centralisés, pour pouvoir effectuer des transferts d'argent, eh bien on en arrive à moderniser toute l'infrastructure des banques, et également les infrastructures de paiement pour les banques pour particuliers. Donc ça, c'est intéressant, donc on est vraiment sur des projets extrêmement structurants pour toute économie, soit du paiement ou du commerce.
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JNG : Jean-Philippe, juste un commentaire, c'est pour reprendre le commentaire de monsieur Taher Moulahi, qui dit : on pourrait bâtir un système à l'instar de Visa/MasterCard qui ont le monopole au niveau du traitement des transactions par carte. Le cas échéant, réfléchir à un écosystème transfrontalier basé sur les wallets. Vous venez de dire qu'en Europe, l’EPI qui est en train d'être mis en place, néanmoins il repose sur une monnaie unique, et c'est une autre question, est-ce que peut-être une des premières étapes, outre l'harmonisation que vous venez de mentionner, Jean-Philippe, serait peut-être une monnaie unique. On a parlé de l'éco, mais là je vais peut-être jouer sur les monnaies numériques, qu'est-ce que vous en pensez ?
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JPW : On a des exemples, et j'allais en parler, ou des plateformes régionales qui permettent de transacter dans des devises différentes, d'accord, sans forcément avoir à passer par des Visa/MasterCard. Visa et MasterCard effectivement sont des alternatives. Bon, il y a des avantages et puis il peut y avoir des inconvénients aussi, mais on a par exemple des initiatives comme P27 dans les pays du nord de l'Europe. Donc, il faut savoir qu'en Europe, tout le monde n'est pas encore à l'euro. On a toute la Scandinavie, la Finlande, la Suède, le Danemark et la Norvège qui ont leurs propres devises et qui, elles, ont décidé de monter, de défragmenter, de remplacer leur système existant, qui était un système de compensation très fragmenté, par une infrastructure unifiée, moderne et qui permet des paiements instantanés, domestiques, mais aussi entre pays, et en multidevises. Donc c'est quelque chose qui existe désormais. Alors, c'est récent, ça date d'il y a quelques années, mais on a cette possibilité-là. Et là, l'idée, c'est vraiment d'abaisser au maximum les coûts de transaction, et aussi de gagner en instantanéité. C'est donc non seulement un système qui va permettre des échanges en multidevises entre ces pays-là, mais c'est aussi une porte d'entrée sur le reste du monde, donc on passe vraiment par cette plateforme centralisée pour pouvoir transacter avec le reste du monde. Et d'ailleurs, un peu plus proche de l'Afrique, on a un exemple qui y ressemble, qui est tout récent aussi, qui s'appelle Buna, Buna payment, qui est destiné à devenir une plateforme de paiement multidevise, et j'insiste bien sûr multidevises, une plateforme de paiement multidevises et qui proposera des services de compensation et de règlement entre devises arabes aux institutions financières, aux banques, aux banques centrales et à toutes les banques, en fait, qui sont membres du fonds monétaire arabe. Donc on a des initiatives, vraiment, qui sont en train d'émerger pour combattre le monopole de ces géants qu'on voit aujourd'hui. Juste, peut-être, pour terminer, tous ces projets et toutes ces initiatives ont pour objectif effectivement de baisser les coûts des transactions, d'assurer la sécurité, tout en simplifiant et en réduisant les délais de paiement, et ce que je peux vous dire, c'est que pour SEPA, on parle d'économie d'échelle de l'ordre de centaine de milliards d'euros sur 6 ans pour les entreprises européennes. Donc il y a un vrai intérêt et un véritable effet de levier à vouloir et à standardiser et à consolider, ou en tout cas à interconnecter les systèmes de compensation et de règlement entre eux.
00:45:59 - 00:46:35
JNG : Juste Jean-Philippe, merci, c'est vraiment passionnant. Je reprends une question de Robert Fargier. Quelle importance et quelle implication les banques centrales, et à travers elles les états, accordent-elles aux paiements transfrontaliers et numériques. Et je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question, Jean-Philippe, parce que, de tous les exemples que vous m'avez dit, on voit qu'il y a des initiatives différentes. On a vu des initiatives privées, vous nous avez parlé de Visa et de MasterCard avant, des états, des monnaies uniques. Dans quel ordre vous sentez que l'Afrique doit d'abord se positionner ? D'abord la monnaie unique, d'abord une harmonisation, d'abord une infrastructure. Peut-être les 3 en même temps ? Est-ce que vous avez un avis dessus, Jean-Philippe ?
00:46:36 - 00:47:34
JPW : Bon, déjà, la monnaie unique, ça me semble compliqué, même si on regarde du côté des monnaies numériques, on aura toujours... enfin, des monnaies numériques qui sont gérées par les banques centrales, on aura toujours des différences. Chacune des banques centrales voudra avoir sa propre monnaie. Honnêtement, personnellement je ne suis pas sûr que la monnaie unique pour un continent comme l'Afrique soit la résolution à court ou moyen terme envisageable. En revanche, ce que je vois c'est qu'aujourd'hui on a les technologies qui sont, et les standards, et les normes, qui sont là pour pouvoir permettre cette interopérabilité entre pays, entre devises, et par contre, en effet, il y a un rôle important supporté par les pouvoirs politiques, et notamment par les banques centrales des différents pays. Donc là il y a un gros effort à fournir.
00:47:34 - 00:48:24
JNG : Merci, merci beaucoup Jean-Philippe. Je reprends monsieur Adjaho. Alors, monsieur Adjaho, on a évoqué déjà les autres types de paiements. Vous avez mentionné au départ, en tant que switch régional, la carte bancaire. Vous avez fait référence et rappelé le taux de bancarisation. Est-ce que vous avez vu qu'on a, à travers les débats, basculé très vite de la carte vers le mobile, qui a été mentionné par Hakima. Mobile payment. Et puis, très vite, sur les monnaies numériques. Quelle est votre vision ? Est-ce que vous avez déjà mis en place, même si je connais déjà la réponse, mais pour nos auditeurs, des solutions alternatives à ces solutions de paiement, et quelle est votre vision pour vous étendre à la région.
00:48:25 - 00:51:02
LEA : Merci Jean-Noël. En fait, avant peut-être de revenir de façon un peu plus spécifique sur la question des fondamentaux à la mise en place de nouveaux systèmes de paiement transfrontaliers en Afrique, je pense qu'il y a un certain nombre d'éléments clés puisqu'aujourd'hui on ne part pas du néant, il y a les initiatives, enfin, il y a des systèmes nationaux, donc de paiement, et régionaux qui existent. De mon point de vue, l'approche qui a été préconisée, c'est vraiment l'intégration à travers ces différents systèmes existants. À partir de ce moment, il y a eu, les précédents intervenants l'ont souligné, mais il faut mettre l'accent sur l'harmonisation des cadres juridiques et réglementaires à travers ces systèmes existants et est au cœur du sujet la question de l'interopérabilité, les questions de normalisation des systèmes pour les échanges, aussi bien du point de vue des échanges qu’à travers les systèmes existants, il faut avoir des protocoles d'échange qui soient standard et bâtir des systèmes ouverts pour faciliter cette intégration, et de façon corolaire à tout ça, pour voir, pour mettre en place un cadre de gouvernance opérationnelle de cette nouvelle initiative, qui règle les problématiques, on l'a dit. Il y a la question de la devise de référence, encore plus les questions élucidées, notamment concernant la compensation des règlements des opérations, mais un peu plus loin également, la gestion des litiges. Voilà donc les éléments que je voudrais aborder. Et au niveau donc du GIM-UEMOA, on œuvre plutôt pour une convergence et non pas une dichotomie entre la carte et les moyens de paiement alternatifs, c'est vraiment une convergence des différents moyens de paiement pour donner quand même, parce qu'aujourd'hui nous avons une spécificité, et c'est notamment en Afrique de l'ouest, à mon avis, que les paiements par mobile sont ceux qui portent la dynamique de développement des transactions électroniques dans d'autres zones, mais la carte a aussi ses usages qui perdurent et aujourd'hui, pour nous, à travers d'autres schémas de paiement s'est créé justement cette convergence vers des différences de paiement.
00:51:06 - 00:51:30
JNG : D'accord, merci monsieur Adjaho. Monsieur Mani, je reviens vers vous. Vous avez mentionné tout à l'heure le PAPSS. Il y a eu beaucoup de questions dessus. Alors peut-être, je vais prendre une question de monsieur André Nkousou. Comment est développé le PAPSS et à quel niveau, quel organisme le fait ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le PAPSS (Pan-African Payments and Settlement System)
00:51:47 - 00:54:16
JMBM : Le PAPSS, c'est une initiative de la Banque africaine et d'import/export. Vous savez, c'est la banque qui s'occupe des questions commerciales en Afrique. Elle a été mise en place dans les années 90, 93-94 plus précisément, pour faire face au fait que les banques, les grandes banques internationales avaient quitté l'Afrique à la suite de la crise. Et donc, dans le cadre de ses activités, et notamment après la mise en place, le lancement, de la CELECAF, la zone de libre-échange africaine, il a été nécessaire de réfléchir à la mise en place d'un outil qui puisse permettre de fluidifier les transferts relatifs à cette zone de libre-échange. Et cette initiative et les études ont été lancées. Comme je vous le disais, on est à une phase pilote, et le système a été adopté par l'Union Africaine. Vous savez, l'Union Africaine parraine à présent le PAPSS, mais si vous allez sur le site d'Afreximbank, vous pouvez avoir toutes les précisions sur le niveau de développement de cet outil. Et nous espérons que, dès que la phase pilote va s'achever, on va progressivement intégrer les autres pays. Comme le disait Jean-Philippe tout à l'heure, l'implication des banques centrales est absolument nécessaire pour la mise en place des systèmes de paiement. Dans tous les pays, au niveau national, ce sont les banques centrales qui supervisent les systèmes de paiement, qui donnent les agréments, qui contrôlent tout, qui s'assurent de la maîtrise des risques. Donc ça, c'est dans le cadre d'un pays, mais maintenant, si on veut faire un système au niveau régional, on doit absolument passer par les banques centrales. Et toutes les banques centrales...
00:54:15 - 00:54:25
JNG : Alors, monsieur Mani, est-ce que je peux vous couper juste pour une question commentaire de Robert Fargier. Il écrit « PAPSS, c'est une initiative privée comme celle de Mowali ? »
00:54:26 - 00:56:.12
JMBM : Non, c'est une initiative privée du tout. Comme je vous le dis, c'est Banque africaine d'import/export, c'est une institution publique, enfin multinationale, créée par les pays africains. Actuellement, on a 51 pays qui en sont membres, et donc c'est pas vraiment une institution privée. Et comme je vous le dis, elle travaille maintenant en relation avec l'Union africaine et la Commission économique pour l'Afrique dans le cadre de la mise en place de cet outil. Je pense... bon, les informations sont déjà disponibles, mais la publicité n'a pas encore été faite, parce qu'on est encore à une phase pilote dont on voudrait voir l'aboutissement pour pouvoir maintenant faire le lancement. Et, comme je vous dis, ce sont les banques centrales qui sont en première ligne, puisque c'est elles qui peuvent faciliter l'intégration en amenant dans le système leur écosystème national. Donc c'est comme ça que ça se gère, et, tout à l'heure Jean-Philippe parlait de ce qui se fait en Europe, je pense que c'est à peu près le même schéma, et je crois que si nous devons suivre un exemple, c'est vraiment la zone européenne qui devrait nous servir de boussole pour pouvoir mettre en place nos systèmes de paiement.
00:56:13 - 00:57:09
JNG : Est-ce que je peux me faire un petit peu provocateur, monsieur Mani, parce que, tout à l'heure, quand Jean-Philippe a présenté un petit peu les solutions qu'il y avait dans le monde et en Europe, on s'attend, nous en tant qu'utilisateurs, et même en tant qu'entreprises, on rêve d'un système global avec un seul système de paiement, et on voit que même en Europe, ou il y aurait une grosse partie de la monnaie unique et puis, comme ça l'a été spécifié par Jean-Philippe, quelques régions qui ont encore leur particularité, mais on voit qu'il y a quand même des systèmes qui se mettent en place, donc finalement on revient toujours un petit peu, même si ça avance, hein, on n'est plus national, on commence à être régional, on aimerait être continental, on voit qu'il va falloir encore de nombreuses années, malheureusement, est-ce que l'Afrique, malheureusement dans ce cas-là, copie ou s'appuie un petit peu sur les mêmes bases, et on sent des initiatives dans chaque région africaine, et qu'il va falloir encore de nombreuses années avant d'avoir une organisation sur le continent.
00:57:11 - 00:59:02
JMBM : Je pense qu'il va falloir du travail. Parce que, vous savez, nous partons d'une idée de monnaie souveraine, et la monnaie souveraine, c'est celle qui est gérée par un pays. Et nous partons de là, et nous voyons que, de plus en plus, nous arrivons à des systèmes qui sont mondiaux, nous arrivons à une mondialisation, à une globalisation, et une nécessité de faire des échanges, beaucoup plus d'échanges, entre les pays. Donc, forcément, les pays sont obligés d'abandonner progressivement une partie de leur souveraineté pour la confier à des institutions régionales, et je pense qu'on va finalement arriver à un système mondial, juste que chaque système régional ne se ferme pas. Les échanges se faisant, disons sous la mondialisation, on est obligé, dans chaque système, de laisser la porte ouverte pour pouvoir échanger avec le reste du monde. Donc c'est la logique, ça demande du travail, parce que beaucoup d'états étaient jaloux de leur souveraineté, mais la nécessité et l'évolution les contraignent à abandonner cette souveraineté et en Afrique, ça a retardé, justement, parce que jusque là on n'avait pas un leadership qui puisse permettre de fédérer tous les pays, de les mettre autour de la table pour pouvoir réfléchir à un système qui puisse englober tout le continent africain.
00:59:03 - 00:59:48
JNG : Merci, merci beaucoup pour ces précisions, monsieur Mani. Je vous ai taquiné exprès, c'est pour rebondir sur les propos qu'il y a sur le chat. Je reviens à vous, Hakima, avec plaisir. Alors, un premier commentaire de Sandra Djokomoyo. Ce n'est pas une question, elle dit : « Effectivement, la monnaie unique n'est pas obligatoire, c'est une interopérabilité des systèmes qui est nécessaire. Je suis tout à fait d'accord avec madame El Alami. C'était le sujet de mon master. » Et j'aimerais du coup vous poser une question de Diana Manga : « Existe-t-il aujourd'hui en Afrique subsaharienne des infrastructures et un cadre réglementaire qui puissent permettre d'aller sur du paiement instantané »... qui avait été mentionné par Jean-Philippe... « Sinon, quelle est la vision des panélistes pour y arriver. »
Les infrastructures réglementaires pour les paiements instantanés en Afrique subsaharienne
00:59:54 - 01:04:37
HEL : Je sais qu’en Afrique subsaharienne, il y a beaucoup de challenge pour la modernisation des systèmes de paiement et la mise en place de cette interopérabilité au niveau des systèmes nationaux. Ce seront des choses sur lesquelles, dans le cadre d'ailleurs du partage et de l'apprentissage par les paires, on avait participé à un livrable sur les piliers de l'interopérabilité et pour pouvoir y arriver. Donc ça, c'est déjà important, c'est d'avoir des systèmes de paiement modernes au niveau national, pour aller vers une facilité, on va dire, l'intégration, plus tard. Je reviens sur le fait qu'une monnaie unique n'est pas un prérequis, n'est pas fondamentale. À l'image de ce qui se fait, de ce qui a été déjà fait dans certaines régions; je parlerai de la région que je connais le plus, qui est le monde arabe. C'est vrai que c'est une initiative qui a pris beaucoup de temps, il ne faut pas l'oublier. Elle a été lancée en 2009. Beaucoup d'études. Beaucoup de choses qui ont été faites, mais qui ont about à un système opérationnel qui existe et qui est multi-devises qui est BUNA. Donc ça, c'est véritablement un cas d'usage assez intéressant, qui peut être regardé de plus près pour peut-être faciliter cette mise en place d'un système interrégional sans qu'il y ait ce prérequis de dire non, il faut absolument une monnaie unique pour y aller. Ce qui est important, c'est de créer les cas d'usage, il ne faut pas mettre un système de paiement interrégional alors que l'inclusion financière au niveau 0 qui est en fait l'accès aux comptes bancaires et aux comptes de paiement transactionnel. Ça, c'est véritablement ça qui crée des cas d'usage, les normes sont là, on n'est pas là à réinventer au niveau africain à dire non, peut-être qu'il faudra créer une norme africaine. Il y a des normes qui sont là à l'échelle internationale, qui permettent cette instantanéité des paiements. Je parle de... je peux évoquer la norme 200 022, qui facilite, qui permet un certain nombre de choses, notamment sur l'instantanéité. Il faut réfléchir à ce que les coûts soient réduits, parce que c'est ça qui va nous permettre de multiplier les paiements et les transferts interafricains. Il y a aussi, parce qu'il n'y a pas que la norme, il n'y a pas que le technique, il y a aussi la gestion d'un certain nombre de choses qui va faire, on sent qu'on va augmenter la confiance du public dans les moyens de paiement qu'il utilise. D'abord la gestion des litiges, la gestion des réclamations, et les délais de traitement de tout ça, qui doivent être bien définis, bien mis dans une charte, je ne sais pas, ça peut être au niveau national, on parle de charte domestique de paiement. Mais, c'est véritablement ça qui va faire que le consommateur va être confiant pour utiliser n'importe quel moyen de paiement structurel, que ce soit la carte, le paiement mobile, autre chose plus tard, le virement instantané, mais il faut que ces règles-là soient claires et que le délai de traitement des réclamations soit le plus optimal possible, parce qu'on ne peut pas parler de chargeback, je prends l'exemple Visa/MasterCard, et chaque chargeback peut aller jusqu'à 45 jours, des délais de traitement qui vont coûter cher à la fois à l'émetteur et à l'acquéreur; et donc ce sont des choses que si on veut aller très vite, il faut qu'on puisse harmoniser ces choses-là, au niveau réglementaire, dans une charte ou n'importe quoi, pour pouvoir ces paiements.
01:04:37 - 01:05:40
JNG : Alors, pour vous taquiner un petit peu, Hakima, je vais rebondir sur des commentaires qu'on a. Le premier commentaire, vous avez parlé de rapidité et de confiance des clients. Vous avez parlé tout à l'heure d'une étude de 2009 sur Buna, en fait, sur le système, qui finalement a pris du temps, même s'il a le mérite d'exister. Est-ce que vous n'avez pas peur que, si les institutions financières, les banques centrales, sont très lentes à réagir, à un moment il peut y avoir des acteurs, dont Jean-Philippe a déjà parlé, privés, IT, géants, qui vont proposer des solutions de paiement que les utilisateurs vont finalement utiliser, parce qu'ils vont trouver ça pratique, peu cher et, finalement, en toute confiance, puisqu'ils utilisent déjà leurs services, et du coup j'arrive à la question de, à nouveau, Sandra Djokomoyo : « SEPA a fonctionné parce que les banques centrales se sont mises d'accord dans le cadre européen pour implémenter la réglementation et obliger tous les établissements bancaires, d'où ma question : comment les différentes banques en Afrique, et les banques centrales en particulier, discutent de ces questions ? Est-ce que l'on pense parfois à inclure les challengers fintech ? »
Le rôle des banques centrales dans le développement des systèmes de paiement
01:05:41 01:08:19
HEL : D'abord, je ne suis pas d'accord quand on parle de banques centrales qui sont lentes. Les banques centrales sont la locomotive du développement des systèmes de paiement. Ça, c'est indéniable. Et les banques centrales ne sont pas là à faire des choses toutes seules, parce qu'il ne faut pas oublier que quand on veut mettre en place et moderniser un système de paiement, ce n’est pas la banque centrale qui l'opère, sauf pour certains systèmes de paiement grand montant à l’instar des RTGS, mais ça c'est véritablement à l'échelle mondiale, pour certaines, on va dire, problématiques de politique monétaire, etc., ça il ne faut pas l'oublier. Mais pour les autres systèmes, les banques centrales sont là véritablement pour moderniser, que ce soit la locomotive de modernisation des systèmes de paiement, mais ça se fait en concertation avec l'ensemble des acteurs. On ne peut pas venir et imposer des choses alors que les principaux intéressés sont dehors du tour de table. Je prends l'exemple du Maroc, quand on a mis en place le GSIMT la banque centrale était là pour piloter les travaux avec l'association qui a été mise en place à l'époque, et une fois les choses...et avec les banques et avec un certain nombre de comités de suivi, de comités stratégiques, parce que c'est... la clé de réussite, c'est véritablement la concertation. Parfois, les acteurs, ils ont besoin de délais de mise en œuvre. Ce n’est pas véritablement la banque centrale. La banque centrale est là pour veiller à la sécurité, c'est notre mission. C'est véritablement que le consommateur ait confiance dans la monnaie, et... qu'il ait confiance dans la monnaie et confiance dans les moyens de paiement scripturaux qu'il va utiliser. Ça, c'est très important pour nous. Donc nous, on est là pour mettre les prérequis pour les développements, mais ça se fait en concertation, et les délais de mise en œuvre, parfois, c'est les acteurs, parce qu'il y va de certaines adaptations au niveau des systèmes d'information, il y va d'un certain protocole qu'il faudra revoir, d'un certain nombre de choses, et ça, ça demande des délais. Et donc des délais de mise en œuvre que...on ne peut pas venir et dire « non, moi je veux fin 2021, c'est comme ça ». Alors que les acteurs ont besoin de certains délais de mise en œuvre. Ça, c'est très important. La concertation est très importante dans le cadre de la modernisation de ces systèmes.
01:08:27 - 01:09:31
JMBM : Je pense que ce que vient de dire Hakima est très important, c'est la concertation, mais il y a aussi le fait... ce ne sont pas toujours les banques centrales qui sont à l'initiative. La monnaie électronique s'est imposée elle-même, et dans la plupart des cas, les banques centrales n'ont fait que suivre pour mettre en place une réglementation, justement, pour la maîtrise des risques, la sécurité de tous. Mais la monnaie électronique était déjà... le mobile money, comme on l'appelle ici... était déjà lancée. Donc, il y a une interaction entre les banques centrales, les opérateurs et la réactivité même du public, c'est sa réponse aux produits qui lui sont proposés et qui lui sont opposés, et la banque centrale est obligée après de suivre. Mais dans ce cas, elle peut aussi prendre le leadership, peut se mettre en avant pour faire évoluer le système.
01:09:32 - 01:10:02
JNG : Merci, merci Jean-Marie. Je dois aussi citer les propos de William Ngole sur la lente réactivité des banques centrales, on peut laisser le champ libre aux initiatives privées (cadre réglementaire et infrastructures). Vous avez raison, c'est une sorte de course entre un côté réglementaire et stabilisé, qui permet de rassurer le consommateur, et d'un autre côté des systèmes privés qui sont incitateurs et beaucoup plus commerciaux, et souvent plus proches des clients dans un premier temps. Avant qu'il y ait des soucis.
01:10:02 - 01:10:03
LEA : Jean-Noël ?
01:10:04 - 01:10:07
JNG : Oui ? Alors peut-être que Hakima voulait finir ses propos ? Non ?
01:10:08 - 01:12:03
HEL : Oui oui, alors juste par rapport au fintech, c'est très important, là aussi la banque centrale est aussi là. Je prends l'exemple du Maroc, la banque centrale est aussi là pour regarder un petit peu ces initiatives privées et pour regarder qu'est-ce qu'elle peut faire, parce qu'on n'est pas là pour juste suivre les initiatives, on est là aussi pour être catalyseurs d'un certain nombre de choses et mettre en place un environnement qui soit propice à l'innovation, bien sûr, dans le respect de la sécurité au profit du consommateur. Et c'est un petit peu ce qu'a fait la banque centrale jusqu'à maintenant. Je prends l'exemple du Maroc, avec la mise en place... d'ailleurs, on a mis en place, dans le cadre de l'entité que j'ai le plaisir de diriger, on a mis en place une entité fintech qui est là pour faciliter l'écoute du marché fintech, c'est-à-dire regarder ce que proposent les fintechs, regarder si c'est en adéquation avec la réglementation, mais regarder aussi ce qu'on peut faire évoluer pour, d'un point de vue réglementaire, pour aller de l'avant et faciliter le développement des paiements. Donc on n'est pas là juste en tant que suiveur, non, on est là pour favoriser le développement de ces fintechs-là, et d'ailleurs le dernier rapport - j'en fais un petit peu la publicité - rapport sur la surveillance des systèmes de paiement et des moyens de paiement et de l'inclusion financière, vient de paraître, et il y a tout un chapitre sur les initiatives fintechs, qui est fait par la banque centrale dans ce sens-là.
01:12:04 - 01:12:35
JNG : C'est bien, merci, comme précision, Hakim. Bien sûr, le but c'était un peu de vous taquiner, je vous l'ai dit au début, et on voit quand de par les réactions, et je vais donner la parole tout de suite à Luc Edmond pour parler de ça et après, Jean-Philippe, je vous promets, je vous donne la parole. Mais Luc Edmond vous souhaitiez rebondir sur les fintechs. Juste pour faire la micro conclusion avec Hakima, c'était juste pour dire que les fintechs ont le mérite de réveiller un petit peu l'écosystème bancaire, l'écosystème financier des banques centrales. Alors je vous donne la parole, Luc Edmond.
Le rôle des fintechs dans le développement des systèmes de paiement
01:12:36 - 01:14:59
LEA : Merci beaucoup Jean Noël. Je pense qu'on a beaucoup insisté déjà là-dessus avec cet échange. Il faut un réel cadre de coopération entre les politiques publiques, portées par les banques centrales et... et la régulation, donc, portée par les banques centrales et les acteurs privés, dont notamment les fintechs. On l'a dit, le rôle des régulateurs, c'est d'assurer la sécurité des systèmes de paiement et donner confiance aux usagers dans l'usage des moyens de paiement, et donc dans les systèmes de paiement en général. Les fintechs doivent arriver... l'innovation... on parle donc de systèmes peu coûteux, rapides, etc. ça implique la mise en œuvre de nouvelles technologies, d'où le déploiement des fintechs au sein... dans ce projet de construction d'un système de paiement transfrontalier en Afrique. Il est essentiel aussi qu'on ne puisse pas décorréler ce projet de cas d'usage concrets puisque la construction... pour que ça ne soit pas une initiative de plus que la construction de systèmes de paiement transfrontalier, permet de répondre à différents cas d'usage concrets qui garantissent, assurent le développement sur le constat, notamment en réalisant une véritable inclusion des populations. Ca voudra dire également, on en a parlé, des technologies nouvelles, il faut s’ouvrir donc à des technologies qui facilitent la redéfinition, la réévaluation des modèles économiques, parce qu'on l'a vu, les coûts des services aujourd’hui ne permet pas d'atteindre ces objectifs-là. Donc on a véritablement besoin d'une application des fintechs, on a besoin de réinventer le modèle économique pour assurer aux usagers, aux populations des systèmes innovants et peu coûteux, et c'est d'ailleurs pour ça que, au niveau du GIM, on a parlé des projets en cours, les initiatives sur lesquelles on travaille aujourd'hui visent véritablement à établir un pont entre les acteurs bancaires et non bancaires, notamment les fintechs, pour pouvoir aller vers des propositions de valeur autour de ces valeurs ajoutées, que ce soit dans l'open banking ou dans l'open payment. Donc voilà ce que je voudrais ajouter comme contribution sur cette discussion.
01:14:59 - 01:14:04
JNG : Merci monsieur Adjaho. Alors, avant de vous poser la question, Jean-Philippe, allez-y. Vous souhaitiez faire un commentaire.
01:15:06 - 01:18:35
JPW : Oui, juste un petit commentaire, mais qui, du coup, rejoint ce qui a déjà été dit. Peut-être en donnant l'exemple de ce qui se fait en Europe, par rapport à la banque centrale européenne. Ce que je vois, c'est que, pour moi, les banques centrales... un des rôles de la banque centrale, c'est de voir, d'encadrer un petit peu ce qui se fait dans la finance et dans les paiements, et si on en réfère au paiement, l'idée est vraiment de permettre à tous les acteurs de l'industrie, donc que ce soit aux banques, mais également aux fintechs, donc de pouvoir être en mesure de développer de nouveaux cas d'usage, avec un cadre et dans le respect de la réglementation, évidemment. Et ce qui a été fait en Europe, grâce à la DSP et la DSP 2, c'est justement la mise en place d'un cadre qui permet à tout cet écosystème de fonctionner ensemble. C'est-à-dire on ne privilégie pas les uns ou les autres, c'est vraiment un système de paiement qui est en train d'émerger. Et c'est en ça que la banque centrale, effectivement, son rôle n'est pas de remplacer l'industrie. Elle ne va pas innover, ce n’est pas elle qui va inventer des cas d'usage. En revanche, effectivement, elle a ce rôle d'encadrer pour que ces nouveaux cas d'usage et ces nouveaux entrants puissent évoluer dans le respect, encore une fois dans la réglementation et de ce qui doit se faire dans les régions en question. Juste, peut-être, un dernier point pour revenir au challenge sur les paiements transfrontaliers en Afrique, je pense que, au-delà du... je ne suis pas certain que la monnaie unique soit le prérequis..., et je pense que le challenge se situe bien en dessous, il se situe plutôt sur la mise en place, et on l'a abordé déjà, sur la mise en place des couches de réglementation et notamment de standardisation qui sont nécessaires vraiment pour rendre les différents systèmes qui sont en train d'émerger, ou qui sont déjà en place depuis quelques années, et pour les rendre vraiment interconnectés et interopérables. Et pour cela, alors sur la partie réglementation, effectivement, ça peut prendre du temps. Sur la partie standardisation, en revanche, aujourd'hui on a un certain nombre de normes qui permettent de développer des standards beaucoup plus rapidement qu'avant. On a notamment la norme ISO 20 022, que mentionnait Hakima, qui est, pour moi, une base de travail extrêmement intéressante et que toutes les banques, les plateformes de compensation et les banques centrales doivent pouvoir mettre en place. Parce que c'est un standard qui est extrêmement flexible, qui est évolutif et qui permet de couvrir tous les cas d'usage qu'on a pu mentionner jusqu'à présent, en termes d'instantanéité, en termes d'informations qu'on va faire véhiculer dans les messages, en termes de sécurité, etc. Donc aujourd'hui, en tout cas du point de vue de la standardisation, je pense qu'on a un format ISO 20 022 qui est une des clés qui va pouvoir permettre d'accélérer ce type de développement. Après, effectivement, il y a la réglementation, et puis les politiques entre les différents pays, entre différentes régions, où là, effectivement, il va falloir aussi harmoniser probablement les discussions et les discours.
01:18:36 - 01:19:02
JNG : Jean-Philippe, dès le début de nos discussions, on a eu des questions qui sont parties dessus. Donc je vais vous lire une question de Ousmanou Youssoupha : « Bonjour à tous, quelle place accordez-vous à la cryptomonnaie dans l'avenir des paiements transfrontaliers ? » Et je vais agrandir un petit peu la question, parce que vous avez fait référence au CBDC, on vient de parler des banques centrales, donc peut-être on pourrait faire le lien entre les cryptomonnaies et les initiatives des banques centrales concernant les CBDC.
Les cryptomonnaies
01:19:03 - 01:21:44
JPW : C'est une très bonne question, effectivement les cryptomonnaies, aujourd'hui, telles qu'on les connaît, permettent... enfin, sont un moyen simple, finalement, de faire du paiement transfrontalier. Soit du paiement, soit d'envoyer de l'argent d'un pays vers un autre. Alors, c'est des moyens de paiement qui ne sont pas forcément à la portée de tout le monde, ça, il faut le savoir. Il y a quand même un risque de passer par des services qui peuvent être moins sécurisés, ou moins sécurisants, peut-être moins transparents, non garantis et généralement d'une assez grande volatilité contrairement aux monnaies scripturales. Alors, certains vont dire « bin non, au contraire, c'est transparent, c'est garanti, c'est de la crypto », mais le problème, c'est que la crypto, elle est dans le protocole, mais elle n'est pas dans la protection de là où vous allez stocker votre clé privée, par exemple. Donc c'est une technologie qui est extrêmement intéressante, mais qui, à mon avis, ne règle pas le problème du commerce transfrontalier au quotidien. Alors, on a d'autres cryptodevises, qu'on appelle plutôt des stable coins, qui effectivement ont l'avantage d'être moins volatiles, mais on a le même souci aussi de sécurité, malgré tout de transparence, d'acceptation aussi, par les... aujourd'hui, les cryptodevises ne sont pas acceptées partout. Et puis, on va aussi se heurter aux problèmes que l'on rencontre quand on fait des paiements multidevises. À partir du moment où il y a plusieurs cryptodevises concurrentielles, comment vont se faire les échanges entre les différentes devises numériques. Il y a donc des problèmes, finalement, que l'on a déplacé dans le domaine des paiements transfrontaliers, enfin, qu'on a pas réglé, en tout cas, avec les monnaies numériques, et qu'on ne réglera pas, je pense, en tout cas pas tout de suite, avec les monnaies numériques, les CBDC, Central Bank Digital Currencies, puisque, là aussi, l'idée... bin déjà, un, on est encore à l'état de concept, tout au plus, enfin à l'état d'expérimentation. Mais en plus on risque d'avoir, pareil, ce problème d'interopérabilité entre les différentes CBDC qui émergeront un jour. Donc il y a un intérêt, il faut observer effectivement ce qui se passe de ce côté-là, et notamment, je pense, du côté des stable coins et des CBDC, mais ça va prendre du temps et je ne suis pas certain que ça réglera le problème des paiements transfrontaliers rapides et peu coûteux, et réglementés.
01:21:46 - 01:21:58
JNG : J'ai une question, Jean-Philippe, qui n'est peut-être pas facile, je vais vous la poser, on pourra répondre après à Mina Falcissé. Quelle est la différence entre la monnaie électronique et la cryptomonnaie ?
01:22:00 - 01:22:59
JPW : Pour moi, ce n’est pas du tout la même chose, effectivement. La cryptomonnaie, on parle plutôt de protocole qui va être basé sur les blockchains, qui vont signer des transferts de propriété, donc ça peut se faire effectivement sous forme de coin ou de dixième, ou de millième, ou de centaine de millièmes de coin, de pièce. Là où la monnaie électronique, on est sur... comment dire... ce n’est pas tout à fait de la monnaie scripturale, mais c'est de la monnaie qui est stockée, effectivement, de manière électronique, soit dans un device, soit sur des serveurs, mais qui est reliée, à un moment donné, à un compte de cantonnement, un compte de séquestre, un compte bancaire. Donc c'est une réplication, finalement, des informations qui sont basées dans un compte d'une banque, ou d'une banque centrale. Donc, pour moi, ça n'a rien à voir.
01:23:00 - 01:23:05
JNG : J'ai la même définition, donc c'est bon, je suis aligné avec vous, Jean-Philippe.
01:23:05 - 01:23:08
JMBM : Peut-être qu'on peut, pour simplifier...
01:23:07 - 01:23:10
JNG : Allez-y, allez-y Jean-Marie.
01:23:10 - 01:23:26
JMBM : J'allais... les cryptomonnaies sont des nouvelles monnaies créées sous forme d'algorithme, alors que la monnaie électronique, c'est une transposition en numérique de la monnaie qui existe déjà.
01:23:34 - 01:24:08
JNG : Merci Jean-Marie. On revient à vous, Luc Edmond, on vient de parler... on a fait trois étapes avec vous. On a fait la carte bancaire, on a parlé du mobile payment, et on est en train de parler des cryptomonnaies ou des monnaies électroniques, en fonction du sujet que vous souhaitez prendre, Luc Edmond. Est-ce que vous pouvez me dire sur quoi vous travaillez actuellement et quels sont les points bloquants que vous voyez pour étendre votre switch sur les cryptomonnaies ou les monnaies électroniques dans les années à venir.
01:24:10 - 01:24:35
LEA : Je crois que, au niveau régional, on n'a pas encore... enfin... côté switch... de perspective d'extension de cryptomonnaie, puisqu’au niveau réglementaire, ce n'est pas quelque chose qui est adopté et régulé aujourd'hui par la banque centrale. Par contre, on a des perspectives à créer des usages autour des cryptomonnaies, des blockchains en général, donc on a des études en cours. Parce qu'aujourd'hui, véritablement, dans une orientation du développement de services aux populations, et donc une inclusion des populations, et dans la recherche de mise à disposition de solutions à moindre coût, on est obligés d'explorer toutes les technologies qui existent, donc dans ce cadre-là, on a des études dans ce cadre, mais pas au sens d'extension des fonctionnalités du switch à la communauté, puisq’au niveau réglementaire, ce n'est pas une chose qui est prise en compte aujourd'hui... qui est encore prise en charge, donc on suit la réglementation puisque notre activité de switching, c’est une activité régalienne, et les services à valeur ajoutée, c'est des choses qui sont en exploration.
01:25:36 - 01:26:15
JNG : Et tant que je vous ai, Luc Edmond, une petite question, je n'ai pas retrouvé son auteur. On a parlé des paiements transfrontaliers, on a un petit peu mixé des clientèles différentes : on a parlé des clients finaux avec Hakima, mais aussi d'entreprises. Là, j'avais une entreprise, une startup qui me disait que c'était un enfer pour faire des paiements transfrontaliers, qu'il passait des demi-journées à effectuer ces paiements. Comment vous voyez... est-ce que vous voyez une solution unique de paiements transfrontaliers, ou est-ce que vous voyez des systèmes différents en fonction des utilisateurs finaux, en l'occurrence une entreprise ou un simple client ?
Une solution unique ou des systèmes différents en fonction des utilisateurs finaux
01:26:17 - 01:27:26
LEA : Non, je pense qu’il faut avoir une approche mixte à l'intérieur d’un même système de paiement, en fonction des cas d'usage, puisque, à la base, la construction et les démarches restent les mêmes, donc aujourd'hui, globalement, la mise en œuvre des systèmes de paiement transfrontalier, c'est véritablement pour faciliter des échanges, aussi bien au niveau des particuliers qu'au niveau des entreprises. Donc il faut être capable d'intégrer ces différents cas d'usage au sein d'un même système de paiement, sachant que les exigences et les attentes sont différentes, et que, pour les particuliers, en fonction d'un certain nombre de restrictions et de limitations, qu'il faudrait être attentif à ne pas discriminer des solutions à mettre à disposition des entreprises africaines.
01:27:27 - 01:27:38
JNG : Merci, merci monsieur Adjaho. Je reviens vers vous, monsieur Mani. On est en train de... on est revenu un petit peu sur les monnaies électroniques et puis sur la complexité d'adresser les transferts de fonds et les paiements transfrontaliers. Comment vous voyez l'évolution, vous, dans les années à venir, de l'implémentation dont vous nous avez parlé ? Qu'est-ce qui freine encore, pour reprendre la première question... je vais me dépêcher pour retrouver... pour reprendre la première question de Sidia N'diaye. Qu'est-ce qui peut bloquer ? Elle disait, en fait, en aparté : « Je suis désolée, mais les séminaires se suivent et toutes les études ont déjà été faites. On veut et on a besoin de ces paiements transfrontaliers. » Alors est-ce que vous pouvez nous éclairer un petit peu ?
Qu'est-ce qui peut bloquer des paiements transfrontaliers ?
01:28:24 - 01:32:39
JMBM : Je suis déjà d'accord avec actuellement l'affaire des transferts frontaliers, comme disait cette startup, c'est la croix et la bannière, parce qu'il y a beaucoup de blocages et il y a déjà le fait que beaucoup de pays se protègent, protègent leur devise, tous ces problèmes économiques, mais je pense que, avec le système sur lequel l'Union africaine travaille avec Afreximbank, on devrait avoir une très bonne évolution dans le paysage africain des paiements. Le sommet est encore loin, comme je vous l'ai dit, on est à une phase puis l'autre, et il reste à intégrer progressivement toutes les banques centrales africaines pour que tous les pays puissent faire des paiements entre eux. Mais, c'est une évolution qui est absolument nécessaire pour notre continent. Ce qui bloque actuellement, c'est l'ampleur du travail qu'il y a à faire, parce que j'étais en train de penser à ça, parce que, tout à l'heure, dans la mise en place, soit d'une monnaie unique, soit d'un système de paiement, les pays doivent travailler au niveau économique pour aboutir à ce qu'on appelle une convergence, parce que s'il n'y a pas de convergence, les systèmes peuvent se retrouver très rapidement bloqués, parce que certains pays, du fait de leur condition économique, n'arrivent pas à couvrir leur position, ou sont structurellement déficitaires. Donc, parallèlement à la mise en place du système, il est absolument nécessaire que des pays se mettent à niveau, sur le plan économique également, pour pouvoir travailler de manière efficace et ne pas arriver à un blocage de système. Et donc, la mise en place de ces systèmes-là, par exemple le PAPSS, quand il ira au bout, ce sera aussi un élément qui poussera les pays vers le haut, c'est-à-dire un élément de stimulation parce qu'un pays qui, à un moment donné, se voit exclu du système sera obligea à se remettre en question et essayer de voir ce qui ne va pas sur le plan économique et essayer de gérer nationalement aussi bien sa monnaie que son économie, de manière à être performant par rapport aux autres pays. C'est un peu l'évolution que je vois. Ça demande beaucoup de travail en laboratoire pour pouvoir convaincre tout le monde, pour pouvoir maîtriser tous les risques, parce que, bon, on parle ici de système, et en matière de système, le risque n'est jamais loin et un petit grain de sable peut venir gripper le fonctionnement de tout le système. Donc, il faut maîtriser tout cela et je pense que l'avantage qu'on a actuellement, c'est que, au niveau politique, l'Union africaine qui est l'organisation politique supranationale au niveau du continent a pris le taureau par les cornes et soutient cette initiative à fond, et peut donc permettre, et peut donc fédérer tous les pays pour qu'on puisse arriver à mettre en place ce système qui sera l'un des premiers qui existe et qui, peut-être, suscitera une émulation pour que d'autres arrivent, parce qu'il n'est pas question d'avoir l'exclusivité, mais de pouvoir, comme disait Jean-Philippe, créer un environnement dans lequel tout le monde puisse travailler en toute sécurité, et aussi que tous les usagers soient protégés dans leurs transactions.
01:32:40 - 01:34:03
JNG : D'accord, merci beaucoup monsieur Mani. Je reviens à Hakima. Hakima, tout à l'heure vous avez beaucoup parlé de confiance sur les systèmes de paiement en général et sur les systèmes de paiement transfrontaliers, et interrégion. À la lecture des commentaires de nos auditeurs, je vois que cette confiance est basée sur deux choses : un vecteur sécuritaire, on l'a dit : sécurité des systèmes, confiance dans les partenaires. Et puis, aussi, une question de prix. Et donc là, je reviens sur un commentaire qui a été fait : « Le fait d'impliquer des fintechs demande aux banques d'intégrer des API. Est-ce que cette surcouche d'API, finalement, n'est pas une surcouche de coûts et pourrait faire plus chère ? » Alors, maintenant, je vais vous poser ma question : première question : quelles sont les initiatives que vous avez mises en place, Hakima, en termes de sécurité, pour maintenir cette confiance, et même renforcer cette confiance, sur les systèmes de paiement. Et puis la deuxième, c'est comment voyez-vous ce rôle des fintechs ? Est-ce que finalement ça va faire baisser les prix, cette numérisation dont Jean-Philippe nous a parlé ? Ou bien, finalement, de rajouter de nouveaux acteurs, chacun va vouloir marger, et au final on risque d'avoir des services plus coûteux ?
La sécurité des moyens de paiement et les coûts des transactions
01:34:06 - 01:40:14
HEL : D'abord sur la confiance, on va dire que c'est un ensemble de mesures qui sont mises en œuvre au fil de l'eau, au fur et à mesure, qui sont basées sur un certain nombre de choses, notamment un certain nombre de reportings que nous demandons à nos assujettis, sur la fraude, notamment, sur la nature de la fraude qui est là et qui va faire qu’on va mettre en place un plan d'action pour contrecarrer ces fraudes et améliorer la sécurité des moyens de paiement qui sont mis en œuvre. Il y a beaucoup de choses qui sont là, je peux citer par exemple, pour le paiement... pour la carte, c'était cette migration de l'ensemble des cartes à la norme PLV et à la norme MV2 pour le paiement en ligne. Un certain nombre de choses qui ont été demandées, je prends l'exemple du paiement mobile, parce que le paiement mobile peut se faire sur différents canaux, et le QR code qui a été mis en place et à la norme EMVCO 2 aussi pour le QR code. Ça c'est juste des exemples qui sont là, mais en fait il y a beaucoup de choses qui ont été mises en œuvre pour que, d'abord accroître la sécurité du moyen de paiement. Après, je le disais tout à l'heure, c'est par rapport... déjà que, quand il y a une fraude qui est là, ou il faut que les délais de prise en charge de cette... de la réclamation du client... ou qu'il y a... sans qu'il y ait de fraude, par exemple parfois c'est un paiement en doublon ou autre chose, il faut que les délais de prise en charge des réclamations et leur traitement soient les plus courts possibles. Parce qu'on ne peut pas parler de moyen de paiement électronique, de parler d'instantanébilité des virements et rester sur des délais qui sont très longs, ou que la réclamation ne soit pas prise en charge. En fait, tout ça risque de brider ou de porter un coup d'atteinte à l'utilisation même du moyen de paiement électronique. Donc ça, c'est très important pour nous.
Après, sur les fintechs, il ne faut pas oublier que, actuellement, il y a beaucoup de choses qui sont faites par les banques, parce que, la numérisation que nous voyons au niveau du système bancaire ou du système dans sa globalité. Quand je dis système bancaire, c'est à la fois les banques et les établissements de paiement. Ce mouvement de numérisation ne se fait pas, s'est appuyé sur beaucoup de fintechs qui sont là d'abord pour ce processus de numérisation qui était là, qui était permis d'abord par la technologie, mais grâce à des acteurs qui sont très agiles. Donc le système s'est appuyé sur ces gens-là. Après, vous avez aussi des fintechs qui, et je le disais tout à l'heure, soit qui filaient leurs solutions. Ce qu'ils proposent est déjà réglementé par là, donc ils ont besoin d'un agrément, dans les délais, d'ailleurs, qui sont définis par la loi, et qui vont intégrer, on va dire, le système classique. Vous avez d'autres qui viennent avec des choses qui ne sont pas encore définies par la loi. Je prends l'exemple de l'agrégation des paiements, ou l'agrégation des comptes. L'agrégation des crédits ou, carrément, la facilitation de paiement. Ça, ce sont des choses dont la loi est restée muette pour l'instant, et d'ailleurs c'est véritablement la, je crois, si je me tourne vers l'Europe, la DSP 2 est venue avec ces réformes-là il n'y a pas si longtemps que ça... il y a deux ans... où un certain nombre de choses ont été mises en œuvre pour faciliter le travail des fintechs, c'est la DSP 2 qui a facilité ces choses-là. Donc on est dans cette dynamique-là, d'abord pour faciliter ces nouveaux business models, pour faciliter même, parce qu'il y a beaucoup de choses qui sont, on va dire, l'APIsation des systèmes d'information, et donc pour permettre ces API de fonctionner, etc. c'est soit conventionnel, en attendant la mise en œuvre d'une réglementation appropriée, mais l'ensemble de ce qui est, et je l'ai dit tout à l'heure, je me répète là-dessus, la banque centrale est là pour favoriser, pour mettre un environnement qui va permettre à ces fintechs qui sont assez agiles de fonctionner, soit d'apporter de nouveaux business models, au profit du consommateur. Bien sûr, mettre une couche, je ne suis pas véritablement d'accord, parce que le fait que ces fintechs viennent, apportent une nouvelle façon, parce qu'il ne faut pas croire, on ne met pas une couche sur un système classique, généralement on est là pour moderniser les process qui existent, et donc on a bien sûr des économies qui sont faites, qui permettent aussi à ces fintechs d'avoir une marge sur le in fine des coûts de la transaction. Voilà.
01:40:16 - 01:40:45
JNG : D'accord, merci Hakima, peut-être une dernière question avant de renvoyer la parole à Luc Edmond. J'ai une question sur les paiements transfrontaliers, une question de sécurité, vous allez comprendre, sur le l’anti money-laundering et sur la lutte contre le terrorisme. Le fait qu'il y ait des paiements instantanés, interrégionaux, multidevises, est-ce que ça ne peut pas faciliter, évidemment le commerce électronique, le commerce transfrontalier, mais aussi des activités moins honnêtes ?
01:40:47 - 01:42:19
HEL : Le système de paiement est un canal, il ne faut pas oublier que derrière, vous avez les banques, les établissements de paiement, qui sont soumis à un certain nombre de diligences en matière de KYC et de KYB. Et donc, ce sont des diligences... normalement, c'est harmonisé parce qu'il y a le GAFI qui est là et qui met en œuvre un certain nombre de normes qui sont transposées par la banque centrale, et donc ce filtre-là existe déjà au niveau de l'ouverture de compte qui va permettre qu’on n'ouvre pas les vannes à des transactions suspicieuses, ou à des fraudeurs, ou au financement du terrorisme. Et bien sûr il y a un échange, un certain nombre d'échanges... en pratique, vous avez des listes noires, vous avez un certain nombre de choses, toujours dans le cadre de la lutte anti-blanchiment, qui est en fait un mandat des différentes banques et établissements de paiement. Donc je ne pense pas, du moment que les diligences sont là, qu'elles sont mises en œuvre, que l'intégration va favoriser des choses suspicieuses.
01:42:21 - 01:42:29
JNG : Je vous remercie. Merci, Hakima, merci beaucoup. Luc Edmond, je vous avais promis de vous redonner la parole. Vous souhaitiez rajouter quelque chose sur les coûts de transaction.
01:42:30 - 01:44:21
LEA : Merci Jean-Noël. En fait, ce que je voudrais dire, d'abord, il est quand même essentiel que l'intégration avec les fintechs soit facilitée, et à cet égard, les API sont une réponse, encore faudrait-il, dans le cadre donc de l'harmonisation, de veiller à structurer et standardiser justement ces API-là pour éviter que chacun y aille dans sa direction, et c'est ce que nous avons entrepris et ce sur quoi nous travaillons régulièrement au niveau donc du GIM-UEMOA pour d'autres régions. Mais ce que je voudrais dire, au-delà de ça, il faut aussi pouvoir, dans les technologies qui sont disponibles, aussi une opportunité de redéfinition des modèles économiques, dont on a parlé, et Jean-Philippe l'a évoqué, la vulgarisation du Standard ISO 22 aujourd'hui qui est très propice à véhiculer plus d'informations que protocoles précédents, donc on a aujourd'hui une opportunité de collecter plus d'informations, tant à travers les flux de transaction et de paiement, donc il faudrait qu'il y ait, on ne le dira jamais assez, un renforcement de la coopération entre les régulateurs et les systèmes privés portés par les fintechs pour qu'on ait un cadre juridique et réglementaire sur la structuration de la collecte et de la monétisation des données de paiement, qui viendra donner une impulsion à la rediffusion du modèle économique pour avoir les données de paiement connecté permettant de proposer d'autres types de service et d'avoir d'autres revenus qui pourront financer les initiatives de mise en œuvre d'autres solutions à bas coûts pour répondre aux objectifs d'inclusion, de population et de développement plus globalement.
01:44:22 - 01:44:59
JNG : Merci, Luc Edmond, je vais vous garder, puisqu'on rentre dans la dernière partie de notre débat. J'aimerais m'inspirer de la question d'Ali Faïm, que je vais vous poser à tous en guise de dernier point pour vous, et puis peut-être d'une sorte de conclusion ou d'une sorte de vision un peu prospective. La question d'Ali Faïm est : « Bonjour, sachant que les intentions des divers acteurs, banques centrales, fintechs, banques, sont bonnes, comment accélérer le processus et être à la hauteur des aspirations du continent. » Alors vous avez l'honneur de répondre en premier, Luc Edmond, ce qui n'est peut-être pas extrêmement facile.
Comment accélérer le processus
01:45:02 - 01:47:15
LEA : Merci Jean-Noël. Je vais m'essayer. En fait, je propose que... aujourd'hui, je crois que c'est une bonne transition par rapport à la dernière question sur l'impacte des technologies dans le paiement. Il faut de la coopération, mais il faut que certaines innovations soient structurées pour répondre vraiment aux enjeux. D'accord ? Donc, de mon point de vue, de tels enjeux sont, on l'a dit, la confiance des usagers dans les systèmes de paiement, une bonne gestion de la version et on a vu qu'il ne suffit pas de transacter, il faut créer et entretenir la confiance des usagers dans les systèmes de paiement en ayant une bonne gestion du cycle de la transaction de bout en bout, de la sécurité, par le renforcement de l'authentification, pour créer la confiance, et la fluidification de l'expérience des clients à travers les services proposés. Comme je l'ai dit tantôt, il faut une maîtrise des données, donc un nouveau modèle économique à bâtir pour réduire le coût des transactions. On l'a vu, tout cela est facilité par un choix judicieux des technologies et c'est déjà à l'œuvre pour favoriser l'échange à partir du standard entre une bonne intégration des différents acteurs, qu'on va appeler des producteurs. Les fintechs, dans cet écosystème, sont des producteurs de services de paiement, il faut donc favoriser leur intégration. Ce sont eux qui vont porter l'innovation et permettre justement à l'écosystème de disposer de systèmes qui eux sont peu coûteux. Et il faut aussi, de nos points de vue, on l'avait abordé brièvement, j'avais parlé de convergence, en ce qui nous concerne, de différents moyens de paiement, comme une adéquation et une vulgarisation des solutions de paiement à travers les nouveaux usages, et donc les nouvelles méthodes et usages des paiements. Globalement, voilà ce que je peux dire.
01:47:17 - 01:47:48
JNG : Merci, merci Luc Edmond. Alors même question pour vous, Jean-Marie. Je ne vous rappelle pas la question, je vous permets de faire un dernier point sur vos propos, si vous souhaitiez revenir sur quelque chose, et puis, dans une deuxième partie de votre réponse, réfléchir sur qu'est-ce qui reste à mettre en place une fois que tous les acteurs ont l'air d'être dans la même direction, qu'est-ce qui manque, quelles sont les principales étapes à faire ? Qu'est-ce qui manque pour accélérer le processus ?
01:47:51 - 01:52:31
JMBM : Je pense que, comme l'a dit le précédent intervenant, les choses sont en train de se mettre en place progressivement. Comme je l'ai souligné un peu avant, au niveau africain, on manquait un peu d'organisation, de leadership. Je pense que ce leadership et cette organisation sont en train de prendre forme et on devrait, dans les années à venir, voir une certaine accélération. Mais, comme on l'a souligné aussi, les systèmes de paiement sont un domaine assez sensible et il faut éviter qu'on aille trop vite et qu'on fasse des erreurs qui peuvent faire tomber une confiance qui est en train de se mettre en place par rapport aux nouveaux mécanismes de paiement, aux nouveaux moyens de paiement qui sont en train de se mettre en place. Donc, aller vite, mais aussi veiller à la sécurité. En Afrique, le terrain était pratiquement vierge, donc il est question de mettre toutes les infrastructures en place, même déjà au niveau mental, que les gens se mettent de plus à niveau sur le plan de la performance, sur le plan de toutes les qualités qu'il faut pour que ces systèmes-là fonctionnent et donnent tout ce qu'on en attend. À savoir que ça conduit au développement économique. Et je crois que les aspects courts sont importants et il faut qu'on évite d'arriver à des systèmes qui vont plus encourager, disons, favoriser l'exclusion, plutôt que l'inclusion financière, parce qu'il est question d'inclure le maximum possible de personnes, notamment celles qui sont, comme le disait et soulignait Khadija déjà, beaucoup de ceux qui sont encore en dehors des systèmes financiers. C'est très bien, parce qu'on a déjà de nouveaux outils, comme le mobile money, qui sont arrivés et qui, en fait, permettent d'accélérer un peu cette inclusion, peut-être pas bancaire, mais tout au moins déjà financière. Et le grand avantage qu'on a avec le numérique, c'est qu'il rend les choses beaucoup plus contrôlables. On peut en avoir peur, mais ce qui est numérique, une fois entré dans le système, on en a la trace et on peut après faire les contrôles. Tout à l'heure, on parlait justement des risques en termes de financement du terrorisme ou de la criminalité et tout, moi je pense plutôt qu'on a intérêt à ce que le maximum de personnes rentre dans les processus numériques. Parce que là, les contrôles sont beaucoup plus faciles. Il y a beaucoup plus de traçabilité et là quand Khadija parlait tout à l'heure, il y a au niveau de l’enrôlement des clients, c'est là que se fait la première sécurité, parce qu'on s'assure qu'on ne fait pas rentrer dans les systèmes des gens qui présentent des antécédents en matière criminelle, et en plus les données étant stockées, on a tout le loisir de revenir après pour faire les contrôles et s'assurer que tout se passe de manière convenable. Donc moi, j'ai dit que les perspectives sont très bonnes, c'est vrai. On voudrait que ça aille très vite, mais il faudra que ça aille vite tout en gardant à l'esprit la nécessité de la sécurité qu'il faut pour que la confiance dans les systèmes ne retombe pas. Il suffit d'un crash par le système pour que toute la confiance emmagasinée s'en aille et qu'on soit obligés de recommencer à zéro. Les processus sont engagés, les mécanismes sont en train de se mettre en place, je pense que l'avenir au niveau africain, en matière de paiements, est plutôt optimiste.
01:52:33 - 01:53:11
JNG : Alors, merci beaucoup, Jean-Marie, pour cette conclusion. Hakima, je vous donne aussi l'occasion de revenir peut-être sur des propos que vous avez pour synthétiser. J'aimerais aussi que vous répondiez à la question d’Adjoa Christelle N'Guessan : « Peut-on arriver à des paiements transfrontaliers quand on sait que chaque acteur des systèmes possède sa propre grille tarifaire qui découle bien souvent de son business model ? » Et puis, dans un deuxième temps, peut-être, si vous voulez bien revenir sur la question que j'utilise pour tout le monde : qu'est-ce qu'il reste à faire ? Comment peut-on accélérer en sachant que tous les acteurs ont l'air d'être dans la même direction ?
01:53:13 - 01:58:05
HEL : Alors, la première question, c'est... on n'est pas là à mettre des grilles tarifaires uniformisées, on est plus dans une orientation de marché, et cette émulsion de marché qui va faire qu'il y aurait des réductions des prix et une concurrence loyale au profit du consommateur, et ça c'est très important. Le régulateur est là peut-être pour aller réguler un certain nombre de choses qui vont insuffler sur le coût de la transaction en elle-même, par exemple, je donne l'exemple de la commission d'interéchange pour les cartes, où là peut-être que le régulateur a, pas un droit de regard, mais peut-être une régulation qui va permettre que le coût de la transaction in fine soit minimum pour à la fois le consommateur et pour commerçant... l'acceptation du paiement, ça, c'est très important, le rôle du commerçant dans l'acceptation des moyens de paiement électronique et des cartes dans le cas d'un exemple précis de ce que je viens de donner, soit le plus facile possible. Laissons le marché faire, mais, peut-être, sur certains points qui vont déterminer... qui sont des facteurs déterminants dans la détermination du coût de la transaction, le régulateur a un droit de regard et peut faire des choses pour faciliter l'acceptation. Pour synthétiser un petit peu ce que nous avons dit, le régulateur est là d'abord pour mettre en place les conditions d'un environnement favorable au développement des paiements, qu'il est là pour assurer, rassurer le consommateur sur l'utilisation du moyen de paiement, donc les mesures de sécurité, être là pour mener la modernisation des systèmes de paiement, c'est ce qui va faciliter bien sûr plus tard leur intégration, la concertation avec les acteurs est très importante, la banque centrale n'est pas là pour faire des choses toutes seules, mais véritablement la concertation est là pour mener les travaux dans des délais bien sûr intéressants tout en maintenant la confiance du public dans la monnaie. Je ne sais pas si j'ai oublié quelque chose, j'ai noté, mais je pense que je n'ai pas tout noté. Qu'est-ce qui reste à faire : continuer bien sûr, au niveau national, parce que c'est très important, j'en ai parlé au début. On parle beaucoup des systèmes de paiement intégrés, etc. etc., mais si on ne facilite pas l'accès des populations, on ne facilite pas l'inclusion financière, on peut mettre les systèmes qu'on veut, ça ne va pas marcher. Il faut véritablement qu'on puisse lutter contre le secteur informel, en facilitant l'accès des populations aux systèmes bancaires et financiers de manière générale. Il faudra, parce qu'on parle beaucoup, mais en fait cette éducation financière est très importante. Et, au-delà, parce qu'on parle beaucoup d'éducation financière, au Maroc on a lancé également, on vient de le lancer, l'éducation numérique, parce que, parfois même le fait d'aller un nouveau mobile des fonctionnalités beaucoup plus développées, on est perdu. Donc, cette éducation numérique sur l'utilisation des plateformes, sur les règles de sécurité minimum, sur un certain nombre de choses, ça, c'est très important pour que ces populations exclues jusqu'à maintenant puissent accéder au système financier selon les règles minimales qui sont imposées par les banques centrales.
01:58:06 - 01:58:29
JNG : Merci, merci beaucoup Hakima, pour cette conclusion, pour cette synthèse, merci. Alors Jean-Philippe, vous êtes le dernier. Nous avons un invité surprise de dernière minute. Peut-être je vais vous laisser, Jean-Philippe, quand même conclure avant de donner la parole à monsieur Otomou. Pareil, même question que les autres.
01:58:30 - 02:02:29
JPW : Merci Jean-Noël. Je vais être assez rapide. En fait, je conclurai sur plusieurs termes que j'ai pu noter et, effectivement, je pense que ce sont des mots qui sont importants, et qui suivent un certain déroulé, notamment concertation, effectivement. Je pense que concertation, c'est important de pouvoir garder cet esprit collaboratif entre les différents intervenants des industries et vraiment tous les intervenants de l'industrie, y compris les fintechs. Donc ça, c'est un peu la condition de base, et ça, j'ai l'impression que ça marche désormais dans plusieurs régions africaines. Il y a une deuxième étape qui va être importante, qui va être la mise en place d'un cadre. Là, par contre, ça va être un peu plus compliqué et pour cela on a besoin vraiment de leaders, au niveau régional comme on peut avoir avec le GIM-UEMOA, ou voir au niveau continental avec, effectivement, des initiatives comme PAPSS d'Afreximbank. Mais c'est là où je pense qu'il y aura un point de rupture et d'accélération, dont cette volonté de faire, d'avoir une Afrique des paiements unifiés, et puis en dernier lieu, il faudra se pencher à un moment donné sur la technologie et sur l'élaboration de standards. Sauf que là, on a déjà beaucoup de choses qui ont été faites, effectivement on a mentionné quelques standards, pour l'ISO 2 022, les API, la plateformisation, etc.. Il y a tout un panel de technologies aujourd'hui qui existent, qui sont éprouvées et qui vont permettre, à mon avis, d'actionner rapidement cette Afrique des paiements connectés. Par contre, vraiment, je pense que le point essentiel, c'est ce besoin de mettre en place un cadre, et puis de pouvoir aussi éduquer et former, et faire comprendre aux différentes nations, aux pouvoirs politiques, l'intérêt de le faire au niveau national, puisqu'à un moment donné il va falloir convaincre chaque pays du bien fondé de ce type de projet. Et peut-être, pour terminer, je vais dézoomer un petit coup, mais en gros, ce qu'on voit, de toute façon si on ne fait pas ça, la globalisation ne va pas s'arrêter. Elle va continuer et on va avoir de plus en plus d'entreprises qui vont avoir besoin d'avoir recours à des services de paiements transfrontaliers, et ces services, il faudra qu'ils soient simples, il faudra qu'ils soient rapides et peu coûteux. Donc le souci, aujourd'hui, c'est que, clairement l'innovation dans le paysage transfrontalier va créer de nouvelles opportunités pour les fintechs et pour les banques. Et le problème, c'est que celles qui ne vont pas se moderniser, qui ne vont pas moderniser leurs capacités de paiement transfrontalier, elles prennent le risque de se voir désintermédier par d'autres acteurs. Soit par des fintechs, soit par d'autres initiatives, des fintechs locales, étrangères, d'autres banques, alors que, aujourd'hui, les paiements transfrontaliers présentent beaucoup de bénéfices, non seulement pour les utilisateurs, mais également pour les banques, en termes de développement de nouveaux services, en termes d'économie d'échelle, en termes d'économie des coûts. Donc il y a un vrai intérêt de pouvoir accélérer... non... de comprendre déjà que c'est extrêmement important, et puis de passer le cap. Voilà, donc je pense que l'idée, au final, c'est de pouvoir développer un écosystème qui est favorable à l'industrie financière, banquière, fintech, africaine, et qu'on ait aussi des paiements et un écosystème qui permettent de développer des services transfrontaliers plus justes, plus inclusifs et plus évolutifs. Voilà.
02:02:29 - 02:02:41
JNG : Merci beaucoup Jean-Philippe, merci pour cette conclusion. Alors moi j'allais conclure, mais je vois que monsieur Otomou nous arrive juste à temps. Alors mieux vaut tard que jamais : monsieur Otomou, bonjour.
02:02:42 - 02:02:42
Jean Clary Otomou (JCO), Directeur Central de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) : Bonjour
02:02:42 - 02:03:08
JNG : Malheureusement, sur la fin de cette conférence, de ce débat. Je ne sais pas à partir de quand vous avez pu suivre, etc. ce que je vous propose peut-être, c'est que vous partagiez dans les cinq minutes qui nous restent quelques idées de la BEAC sur le paiement transfrontalier. Ça m'est délicat de vous inclure dans le débat maintenant, mais allez-y, je vous laisse carte blanche.
02:03:08 - 02:10:44
JCO : Merci. Je m'excuse, j'étais dans une contrainte dont je ne pouvais pas me libérer. Alors, les paiements transfrontaliers, ils ont toujours existé, à mon avis, tant qu'il y a des états qui commercent, les paiements transfrontaliers ont toujours existé. La nouveauté, aujourd'hui, c'est peut-être que ça va aller plus vite. On cherche à faire en sorte que ça aille plus vite, que ça coûte moins. Aujourd'hui, et on parle de paiement transfrontalier, électronique, il faut être très précis. En réalité, c'est de ça que nous parlons tous ici. Le paiement transfrontalier, électronique ou numérique, comme on les appelle. La nouveauté, ce n’est pas tellement que ce soit des nouveaux paiements, c'est des modes de paiement plus rapides. Plus rapides, ils existent déjà dans chacun des états, le plus rapide, à l'heure actuelle, c'est ce qu'on appelle le mobile money, le paiement instantané. Il est, aujourd'hui, national, ou régional dans certains cas, SADEG, Afrique centrale, CEMAC, Afrique de l'ouest. Ce n'est pas toujours interconnecté opérable, mais interopérable dans la SADEG, l'Afrique centrale, pas encore en Afrique de l'Ouest, que je sache, pas encore en Afrique de l'Est. Il y a une interopérabilité bilatérale en général, mais il n'y a pas d'interopérabilité globale. Nous sommes en train de parler, si j'ai cru comprendre, des paiements transfrontaliers, du crossborder payment. Et là, j'ai envie de dire, là encore il n'y a rien de nouveau sous les cieux. Ça peut paraître étonnant, rien de nouveau sous les cieux. Vous avez Western Union, vous avez Money Gram, vous avez Visa, vous avez MasterCard, excusez-moi, ça existe déjà. Avec des caractéristiques différentes, mais ça existe déjà. On sait faire des paiements transfrontaliers, dans des architectures plus ou moins lentes, ils peuvent même être numériques, donc on a simplement, j'ai envie de dire, un nouvel acteur, et là, pour le coup, celui qui a amené cette évolution, c'est les telcos. Ce nouvel acteur, qui pose une nouveauté que tout le monde, dans tout l'écosystème financier, est en train de s'approprier. Celui qui oblige tout le monde à revoir ses classiques. Paiement transfrontalier, là je parle de l'Afrique, paiement transfrontalier en Afrique, il faudra compter avec les telcos. Moi, je connais l'initiative PAPSS, que je trouve très bien techniquement conçue, mais je connais aussi l'initiative Mowani MTN Orange. Et j'ai envie de dire, on a en Afrique déjà deux gros compétiteurs continentaux. Ils sont très bien équipés techniquement. Est-ce qu'il faut un cadre juridique unique ? Je ne suis pas sûr que ce soit ça la vraie solution. Parce que chacun des états va avoir sa législation et va la défendre. Et jusqu'à maintenant, nous n'avons pas eu besoin d'une législation mondiale unique pour utiliser les cartes Visa, MasterCard, ou même pour faire du Western Union. Western Union, Visa, MasterCard sont venus respecter les réglementations nationales. Avec leurs propres règles internes, mais ils ont respecté les réglementations nationales. Donc je ne suis pas foncièrement convaincu qu'il faille une législation, une réglementation unique. Ça, c'est la première chose. Je suis plutôt convaincu que ces systèmes, que ce soit MasterCard, Visa, aujourd'hui, Mowani ou PAPSS, ces systèmes doivent avoir leurs règles internes qui permettent les échanges, que tous ceux qui adhèrent vont respecter. En Afrique, aujourd'hui, l'obstacle, c'est qu'on n'a pas encore interconnecté, j'ai envie de dire, les systèmes, que ce soit celui de PAPSS ou celui de Mowani. Les opérateurs ne sont pas encore interconnectés, alors qu'ils savent transporter de la voix et de la donnée entre eux, pour l'instant les opérations financières, ils ne les font pas entre eux. Mais ce n'est qu'une question, c'est déjà fait pour Mowani. Quand vous regardez aujourd'hui les pays ou les filiales qui sont connectés, ça augmente de jour en jour. PAPSS est en train de faire la même chose avec le projet pilote en Afrique de l'ouest et anglophone. Nasamo est en train de le faire en Afrique de l'est. Donc on va interconnecter. Ce sont ces règles d'interconnexion qui vont être importantes. Ces accords. Est-ce qu'il faut un cadre global et unique ? Je ne suis pas convaincu. Je suis même tenté de penser que, en réalité, les zones vont s'organiser avec des compensations, mais aussi des règlements internes, des opérations internes, et ne vont laisser l'espace que pour les transactions crossborder, les transactions internationales. Peut-être qu'il faudra songer à créer, à défaut de faire comme les Chinois ou les Européens qui pensent à l'appli, de créer des accords, des alliances, entre les différents systèmes, nationaux, régionaux, continentaux, et avec les banques centrales, parce qu'on est en train de parler de quelque chose en disant paiement crossborder, on oublie que pour l'instant, les espaces économiques sont régis par les états et financièrement, au sommet, il y a une banque centrale qui régit, qui réglemente les mouvements de capitaux, qui entrent ou sortent de leurs frontières. Et ces systèmes, ces constructions-là, ne seront pas viable tant et si que les banques centrales n'auront pas été mises au cœur du jeu. Ce que je dis là, nos amis de PAPSS et de Mowani, s'ils sont autour de la table, reconnaîtront ce que je leur dis depuis, réintégrez les banques centrales dans votre jeu, vous aurez une chance de faire du crossborder viable. Si vous ne le faites pas, elles vous montreront qu'elles sont capables de faire du crossborder sans vous. Et vous passerez pareil. Donc ça, pour les réflexions qui sont en cours en Afrique, j'ai envie de dire à tous, gardez la place de la banque centrale. Pour une raison toute simple : la banque centrale ou les banques centrales sont les prêteurs en dernier ressort dans les espaces où vous allez évoluer. Donc s'il y a le moindre pépin, c'est elles qui règlent les ardoises. Et c'est elles qui régulent. Réfléchissez à comment, dans les différents mécanismes, vous intégrez les banques centrales, qu'elles retrouvent leur rôle et qu'elles assument leur mission. Voilà. Tout ce que je pourrai dire. J'ai fini, j'ai fini.
02:10:47 - 02:11:30
JNG : J'allais vous dire, je suis désolé parce qu'on est en train de dépasser tout doucement, mais sûrement. Alors moi, ce que je vous propose, c'est que vous savez très certainement que le 9 et 10 décembre, à Marrakech, il y a l'Africa Pay & ID Expo, alors je vous invite à venir discuter et prolonger ce débat avec tous nos partenaires à Marrakech les 9 et 10 décembre, si vous êtes disponible, monsieur Otomou. Puis ce qui est bien, c'est qu'on avait trouvé une sorte de consensus et puis vous êtes arrivé et vous avez réussi à remettre tout le monde, à relancer le forum, etc. Alors moi je veux bien vous réinviter pour un autre débat. Mais malheureusement, là, je dois clôturer celui-là. Merci pour votre intervention, monsieur Otomou, merci franchement d'être venu, même pour cinq-dix minutes, et merci pour votre intervention.
02:11:31 - 02:11:32
JCO : Merci beaucoup, bonne journée.
La conclusion
02:11:33 - 02:13:33
JNG : Merci beaucoup. Vous pouvez rester en ligne, je vais partager mes 8 points que j'ai retenus de cette discussion. Le premier, c'est un cadre réglementaire : il faut un socle unique et harmonisé. Et puis, on a besoin de leaders au niveau régional, il y a besoin d'initiatives régionales. 2 : les infrastructures numériques. Il y a de nouvelles technologies, il faut se mettre à nouveau aux normes. La norme ISO 2 022 est une bonne base, mais pas suffisante. Manque de standards. 3 : le coût des transactions. Il y a de nouveaux modèles économiques, mais laissons le marché faire, avec de temps en temps quelques actions ou, si on a besoin du régulateur, pour gérer ces coûts. 4e : soyons rapides, mais faisons-le quand même étape par étape. Pas trop rapide pour veiller à garder de la confiance à maintenir la sécurité. 5 : concertation avec tous les acteurs. Il y a un esprit collaboratif qui existe déjà, donc il faut que cela perdure avec tous les partenaires. 6 : il faut inclure tout le monde dans cette numérisation. Il ne doit pas y avoir d'exclusion de certaines populations. On a parlé d'inclusion financière, et aussi d'éducation numérique. 7 : urgence de la modernisation. Pour ne pas disparaître de l'écosystème, pour les banques qui souhaitent faire du paiement transfrontalier, et de ne pas être désintermédié. 8 : règles d'interconnexion, qui a été mentionnée par monsieur Otomou. Elles sont extrêmement importantes pour faire du paiement transfrontalier un succès. Alors je vous remercie tous. Merci, madame El Alami, merci monsieur Mani, monsieur Otomou, monsieur Adjaho et monsieur Wolyniec. Merci à i-conférences pour l'organisation de cette conférence. Merci à vous, merci à Khadija pour l'organisation de cette conférence également. Je vous invite à retrouver la rediffusion de ce APIDE TALKS sur les réseaux sociaux, et je rends la parole à Khadija. Bonne journée à tous, au revoir.
02:13:35 - 02:13:59
KL : Merci, Jean-Noël, pour ta modération et merci à nos chers panélistes pour leur contribution. Je remercie également l'ensemble des participants qui ont posé plusieurs questions qui ont contribué à enrichir le débat et je vous donne tous rendez-vous à Marrakech pour la 15e édition des APIDE les 9 et 10 décembre prochains. Et d'ici là, je vous souhaite une excellente journée. À très bientôt.